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Sabaïdee Laos


Nous sommes rentrés au Laos comme ça. Dans une chaleur tropicale, sans soucis, en poussant tranquillement nos vélos, sans avoir de visa préalable et heureux d'en finir avec cette énorme étape que fut la Chine. Pour ajouter à l'euphorie de découvrir un nouveau pays, nous sommes devenus millionnaires en échangeant nos Yuans contre des Kips. Ça fait toujours plaisir! Bon d'accord, 1€ vaut 10 000 Kips environ. Et on est surtout surexcité d'arriver en Asie du Sud Est sur nos fidèles montures. Si lors des dernières étapes dans le Yunnan, nous avions l'impression d'avoir déjà changé de pays, c'était parce que nous n'avions aucune idée de ce vers quoi nous allions. Le Laos est bien plus sauvage et surtout, dès les premiers villages, nous sentons que l'ambiance est plus tranquille. Les gens sont plus souriants, très ouverts, et une ambiance "vacances" s'installe très vite dans nos esprits. Le petit groupe que nous étions s'éparpille et nous retrouvons les plaisirs de la route à deux. Nous n'aurons roulé que 20km avec Jérôme, un cyclo belge de Lamain (un voisin quoi!) rencontré à la frontière, mais il a eu le temps de nous initier au "kow neeow", le riz gluant cuit à la vapeur qui sera la base quasi exclusive de notre alimentation pour les semaines à venir.

De la frontière à Luang Prabang il n'y a qu'une seule route... À moins que l'on ne tente ce petit trait que l'on voit sur le GPS à condition de zoomer très très fort... OK! Vendu, c'est parti! Nous ne sommes vraiment pas capables de nous en tenir à un plan facile. Faire des détours c'est tellement bien!




Très vite, nous comprenons que ça ne va pas être facile. La "route" est une piste de terre qui n'a pas de problème avec les côtes à 15% et les ravines. Dès le dixième kilomètre, nous savons que nous sommes partis pour 150 kilomètres d'une route que l'on classera seconde pire route du voyage. En échange, nous nous enfonçons dans la campagne laotienne, nous récoltons nombre de sourires et les "Sabaïdeeee" que nous envoient les enfants dans les villages sont sans pareils. Nous pouvons observer la vie dans les villages.

Les maisons sont sur pilotis, les murs sont en lames de bambou tressées et les femmes comme les enfants se groupent autour de points d'eau collectifs pour la toilette ou les jeux. Comme en Chine, la volaille est en liberté, mais elle cohabite avec les petits cochons qui courent derrière leur mère un peu partout. Sur cette route, la circulation est minime et le paysage saisissant. On a l'impression d'être à deux pas de forêts primaires. Pour dormir, nous trouvons des paillotes dans les champs. Elles doivent servir aux ouvriers quand ils y travaillent. Le reste du temps, c'est entrée libre. Les Laotiens sont très détendus quant à notre présence.


Quand ils nous voient installer notre camp, ils sourient et nous souhaitent bonne nuit. Zéro stress, c'est incroyable. Pendant quatre jours et demi nous suivons cette route de terre. Ici, il n'y a pas de tourisme, ça se sent. Une enseignante vient même nous demander où est notre guide tellement la présence d'étrangers est surprenante. Nous ne voyons pas le changement tout de suite mais les regards changent. De la joie, nous passons à la surprise, de la surprise, nous passons à l'incrédulité et parfois cela va jusqu'à la peur. Deux adolescentes sortant du champ, les bras chargés, tombent nez à nez avec Kris, en pleine côte, soufflant et transpirant. Elles en lâchent leur chargement et font demi-tour en criant pour se cacher dans les champs... Un peu plus loin, en difficulté de ravitaillement (on n'a plus rien à manger!!) nous entrons dans un village en retrait par rapport à la piste elle même peu empruntée, et créons un attroupement d'abord d'enfants puis d'adultes. Des "Falang" (Français en laotien et par extension occidentaux) qui mangent du riz, c'est un sacré spectacle. Spectacle? Mais quelle bonne idée! Après 7 mois de voyage, elles vont servir pour la seconde fois: Kris sort ses massues! Les enfants, dont on apprend qu'ils n'avaient jamais vu de blancs, sont partagés entre la joie et la peur face à cet individu qui gesticule et lance des trucs en l'air. Et quand Kris s'approche du public pour y prendre un volontaire, on dirait un banc de poissons qui fuit un prédateur! Une expérience mémorable.


La route durcit encore. Les côtés à 18% se multiplient et chaque km est une lutte. Nous retrouvons la joie de ne pouvoir faire que 40km en une journée malgré tous nos efforts... Nous passerons un col où nous mettrons 1h pour faire 4km dans une côte mémorable où même pousser les vélos est difficile. Mais il fait beau et chaud et, outre l'épreuve physique, nous sommes heureux de voir cela. Couverts de boue, nous arrivons au moment de répondre à la question qui nous tenait jusque là : y a-t-il vraiment une route pour rejoindre Luang Prabang? Eh bien non! La route s'arrête dans un village au bord du Mékong. Pour aller plus loin, il faut prendre un bateau! C'est donc forcés et contraints que, pour notre première rencontre avec ce fleuve de légende, nous avons embarqué nos vélos pour une petite croisière de rêve de 35-40 minutes. Nous avons le bateau pour nous seuls, un paysage majestueux et de quoi manger. Cela restera un incroyable moment pour nous.




Au revoir villages reculés, bonjour tourisme de masse! Comme première image du Laos touristique, nous avons droit à ce superbe cliché d'un gros bonhomme, rouge homard à cause du soleil, appareil photo posé sur le ventre, juché sur le dos d'un éléphant en se faisant promener sur la plage. Ouch. Eh oui nous nous faisons déposer dans LE village des dresseurs d'éléphants et les regards que l'on nous porte ont radicalement changé. Sans parler des tarifs de la nourriture qui ont soudainement doublé! On sauve la mise en plantant la tente le long du Mékong, face à une immense falaise que grimpe 3 américains et qui nous donne une furieuse envie d'escalade.


Pour l'heure, nous arrivons à Luang Prabang où nous retrouvons Ritzo pour fêter la nouvelle année à l'Utopia, le bar branché de la ville. Rien d'extraordinaire. Nous savions avant de partir que les fêtes allaient être fades cette année. Pas de famille pour Noël, pas d'amis pour nouvel an. Nous en prenons notre parti et sympathisons avec d'autres voyageurs.




Nous ne visitons pas grand chose de la ville. Nous avons enchaîné la traversée du Yunnan avec ce passage très physique dans la campagne laotienne, du coup nous sommes rincés. Il se passe 3 jours avant que l'on ne sorte d'une certaine léthargie. Ce n'est que lorsque le soleil se fait moins mordant que nous trouvons la force de nous promener. Un soir nous visitons les temples de la ville, un autre, le night market et nous finissons dans un restau ou un autre, de préférence un endroit où l'on mange beaucoup, comme ce barbecue coréen à volonté d'où nous sommes repartis sacrément repus. Il y a trop de tourisme pour nous dans cette ville et nous n'arrivons pas à l'apprécier. Nous nous arrachons de notre torpeur et repartons sur les routes direction VangVieng, un autre paradis du tourisme de masse. Nous repartons avec Ritzo et Oliver, un cycliste allemand. La route est dure mais au moins elle est bitumée. Nous aurons 20km à 10% de moyenne avant d'avoir la même chose en descente! Sur la route, Ritzo l'ultrasociable rencontre un gars d'un village voisin et nous y voilà invités. Nous passons une demie heure à discuter avec le prof d'anglais et ses élèves au milieu du village. Sur la route, les touristes sont fréquents. Nous croisons beaucoup de cyclistes légers qui sont partis pour quelques jours entre Vientiane et Luang Prabang ou des petites motos. Les enfants ont l'habitude des passages, tendent la main pour que l'on claque dedans et ça prend des proportions comiques lorsque l'on tombe sur un groupe d'enfants à la sortie de l'école. Depuis notre entrée au Laos nous sommes frappés par le nombre d'enfants et d'écoles que l'on croise. On attend presque chaque jour le moment où l'on croisera les écoliers par petits groupes, tantôt à vélo, tantôt à pied, portant un parapluie pour se cacher du soleil, et nous saluant avant d'éclater de rire. Le terrain s'aplatit pour notre plus grand plaisir et nous slalomons entre de grandes aiguilles de calcaire mesurant un bon 100 à 150m de haut. Nous espérons grimper dessus d'ailleurs. Nous laissons Oliver et Ritzo dépasser Vang Vieng et nous y trouvons un coin pour dormir. Si Luang Prabang nous a attristés pour son côté trop touristique, Vang Vieng est à vomir! Initialement fondé sur un tourisme jeune et assez décadent (back packers venus se saouler à l'autre bout du monde pour la fin de leurs études), les touristes se croient tout permis, ont des comportements détestables qui font que les locaux ne s'intéressent plus qu'à leur argent et font tout payer très cher ( jusqu'aux passages de ponts en bambou). Pourtant, le paysage est incroyable alentours et c'est sûrement ce qui a attiré les premiers voyageurs. Les voies d'escalade sont à 3 km au nord de la ville et, déjà, la folie touristique n'arrive plus jusqu'ici qu'à travers les personnes (souvent saoules) qui descendent la rivière en bouée, le fameux "tubing". Et à 300m de la rive, nous trouvons une petite paillote inutilisée au bord d'un champ face aux



falaises, pas loin du marché, pas loin de la rivière, pas loin des voies d'escalade... Tient, on va rester ici nous! On a trouvé un petit paradis et on en a profité jusqu'à ce qu'un couple d'Américains passe par là, sympathise avec nous et finisse par nous laisser leur matériel de grimpe pour aller nous amuser avant de les retrouver en ville le soir-même. Une chance inespérée! Tout le long de ce voyage nous avons été chanceux d'une façon que nous n'expliquons que parce que nous faisons ce voyage. Nous tentons la chance tellement souvent qu'à un moment ça fonctionne et on rencontre des gens très chouettes. Quittant Vang Vieng, notre rythme ralentit. Nos étapes ne font pas plus de 50km car nous ne devons pas arriver trop tôt à Vientiane.


Un détour par le lac Nam Ngum s'impose et nous y avons une photo défi à faire. Ce lac est une retenue d'eau artificielle et lorsqu'elle a été créée elle a englouti pas mal de forêt. Le bois immergé à été exploité et cela a fait les beaux jours des habitants du lac jusqu'au jour où il n'y a plus eu d'arbres au fond de l'eau. Les machines ont alors été laissées à l'abandon créant des villages fantômes aux allures post-apocalyptiques. Comme à notre bonne habitude nous évitons le lieu touristique et choisissons un petit chemin qui nous mène droit dans un de ces villages. Et nous nous retrouvons à camper sur la berge devant laquelle passent les bateaux de touristes venus pour voir les ruines de ce temps béni... Et les deux rigolos qui sautent dans l'eau depuis les plate formes rouillées! Ce soir-là trois des six personnes qui habitent encore le village viennent nous voir pour partager un peu de leur Laolao, le "whisky" local, et surtout un bout de leur soirée. Ils sont très gentils et le vieil homme à encore des rudiments du français qu'il a appris à l'école quand la France occupait encore le pays. Il a donc au moins 70ans et ses souvenirs datent d'une soixantaine d'années! À peine émettons nous l'idée d'aller nous coucher qu'ils s'éclipsent le plus poliment possible. Les laotiens sont super tranquilles. Les enfants le sont tout autant.


À deux reprises lorsque nous campons, nous nous sommes retrouvés avec un groupe d'enfants autour de nous. Les massues font grande impression et cela crée de l'animation pour un bon moment et même si ce sont des enfants sans présence d'adultes pour superviser, il n'y a pas de débordements, ils ne cherchent pas à voir jusqu'où ils peuvent aller trop loin. Dès que nous cherchons le calme, ils s'en vont sans plus de cérémonie. Les laotiens sont zen, ça semble culturel. Les lectures de l'histoire du pays qu'Amélie lit montrent qu'il en a toujours été ainsi et, là où ils pourraient faire 3 récoltes de riz par an, ils se contentent d'une seule parce que cela suffit pour vivre le reste du temps. Il y a peut être ici matière à s'inspirer.

Dans un pays devenu tout plat, nous arrivons enfin à Vientiane. Un ancien collègue d'Amélie nous avait envoyé un message 6 mois auparavant : "quand tu passes par Vientiane, tu es plus que bienvenue!"... Et 6 mois après ce message nous arrivons chez Martin, Vesna et leurs deux petites filles qui nous accueillent à bras ouverts dans leur grande maison avec piscine! Ils ne se contentent pas de nous offrir une belle et douce pause alors que le soleil darde au dehors, ils nous font partager un petit bout de leur vie de famille avec entre autres coucher de soleil sur le Mékong, dîner sur la terrasse et sessions jeux avec les petites.



Tout ce qu'il faut de chance à nouveau pour se sentir très inspirés par le style de vie laotien. Nous pensions rester 3 jours, nous en resterons 6. Pas que la ville vaille particulièrement le détour, mais on s'y sent bien. Nous prenons le temps pour dresser les plans des prochains mois. La fin arrive et nous commençons à sentir les conséquences des détours précédents : nous n'aurons pas le temps de tout voir et tout faire. Il va falloir choisir... Depuis quelques jours aussi, nous nous posons pas mal de questions "existentielles" dirons-nous, et être posés est peut-être plus propice à la réflexion. Voir la fin du voyage c'est un peu se demander ce qu'il va se passer à notre retour. Ce n'est pas qu'on manque d'idées bien sûr, la question est plutôt de savoir quelle(s) option(s) choisir... En attendant, nous choisissons de passer par Thakek puis le sud du Viêt Nam. Au moins c'est une décision facile à prendre!

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