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Au Vietnam, choisis ton camp mais klaxonne!


Sous un crachin digne des longues journées grises du Nord de France, nous entrons au Vietnam. Juste après la frontière, dans un coin sombre d'un boutique, il y a une planche sur deux tréteaux. Sur la planche il y a deux cartons : un de Kips et un de Dongs. Un bureau de change des moins engageants mais le seul accessible, et, bien sûr, pas d'ATM. Nous changeons donc nos Kips pour redevenir multimillionnaires : 1€ vaut quasi 25 000 Dongs. Le passage par les montagnes est très vert et peu peuplé, nous sommes dans un parc naturel. Pourtant, le changement de pays se fait sentir très vite. Les maisons ne sont plus les mêmes, les enfants lancent des "Hello" au lieu du "Xin Chao" local, les véhicules klaxonnent à tout va et l'espace est bien plus occupé. Ça nous pose des problèmes pour trouver des campements très régulièrement. Le premier camp se fait d'ailleurs derrière un monument aux morts, faute de mieux. Et pour nous mettre dans l'ambiance de la conduite locale, au matin, nous trouvons un 4x4 qui a défoncé la barrière du pont d'à côté et a les roues avant dans le vide... Il faut avouer qu'on a bien ricané, pour une fois qu'on peut se moquer d'un de ces gros véhicules et de son conducteur.

Nous rallions la côte en plusieurs jours. Comme il pleut, nous traînons sous la tente le matin et n'avançons pas beaucoup. Après 2-3 jours à ne grignoter que les rares cochonneries trouvées le long de la route, nous tirons grand plaisir des marchés très animés et bien fournis en fruits et légumes en tous genre. Nous achetons des bananes par régimes entiers (10 à 15 bananes d'un coup), elles sont plus petites et plus goutues qu'en Europe. Avant de partir, Kris n'aimait pas la mangue. Depuis le Laos, c'est presque lui qui réclame pour en avoir. Nous en achetons chaque jours par lots de quatre ou plus à 80 cents le kilo... Les noix de cocos vertes et pleines d'eau font nos pauses rafraîchissement et la pulpe des noix de cocos séchées fait nos petits dej. Citrons verts, ananas et ceux dont on ne connait pas le nom... Oui, le Viêtnam, c'est bien pour les fruits! Nous traversons des paysages de dents de calcaire recouvertes d'une végétation luxuriante qui seraient tellement bluffantes s'il n'y avait pas ce bouchon de nuages... et en quelques jours nous atteignons la mer! Nous n'avions plus vu de paysage côtier depuis l'Estonie, il y a 6 mois et c'était la Mer baltique. Là, nous avons affaire à la Mer de Chine, ça parait tellement fou d'être là à vélo!

Pour se consoler du mauvais temps, nous prenons une chambre avec vue sur l'embouchure du fleuve. Notre préparation étant au top du top, nous découvrons que le pays se prépare à fêter "Têt", le nouvel an lunaire chinois et vietnamien dans deux jours. Nous qui pensions l'avoir loupé! Pour faire vite, le pays se retrouve au ralenti pendant une semaine car tout le monde se réunit en famille. Sur la route ça se traduit par une grande facilité de circulation : ni bus ni camion, que des familles entassées sur des mobylettes. Nous croisons beaucoup d'autels religieux chargés d'offrandes, des personnes affairées à nettoyer leurs perrons et leurs mobylettes (surtout les mobylettes) et parfois nous voyons aussi des personnes prier en tenues traditionnelles. Une tradition de cette fête veut que le premier invité de l'année influence les esprits pour l'année à venir. Il faut supposer qu'un couple d'étrangers est un bon choix pour cela car lors d'une de nos pauses, trois personnes viennent successivement nous inviter sous leur toit. Nous n'auront satisfait qu'une seule famille malheureusement mais ils nous ont accueillis chaleureusement et nourris si copieusement qu'on n'aurait pas pu faire plus!

L'essentiel de notre trajet pour aller vers le sud est de suivre l'autoroute AH1. C'est très roulant, tout droit, mais pas très varié. Dans ces moments, la technique consiste à mettre nos écouteurs et pousser bêtement sur nos pédales. D'ailleurs, quand il s'agit de faire quelque chose bêtement, Kris est généralement très doué. Il se place devant Amélie qui prend le vent et il n'y a plus qu'à attendre que passent les kilomètres jusqu'au prochain marché, la prochaine noix de coco, le prochain jus de canne à sucre. Sur la côte, le temps est un peu plus comme nous l'espérions et nous roulons sous un soleil mordant, les températures sur la route dépassant les 40 degrés. Nous suons des litres et des litres et en ingurgitons autant.


La première halte se fait à Hué, ancienne capitale impériale du pays. Un peu fatigués, nous nous arrêtons au premier rade pour backpackers. Grossière erreur. Nous l'avons élu le pire endroit dans lequel nous ayons dormi depuis même avant de partir de Lille. Et ils ont osé appeler ce trou "amazing stay"... Un peu fâchés, nous avons failli repartir sans même visiter la ville. Puis, finalement, nous avons juste changé d'hôtel et re-dormi un peu. Nous avons visité la ville dans la citadelle qui ressemble à s'y méprendre à une fortification Vauban. Nous découvrons aussi la "cité interdite" vietnamienne qui a fortement souffert lors des guerres d'Indochine et du Vietnam mais offre une idée de ce monde clos dans lequel vivait l'élite impériale. Nous retrouvons des amis d'enfance d'Amélie qui sont par hasard dans la même ville, rencontrons 3 cyclistes dont 2 ont acheté des vélos d'occasion à Hanoï pour un premier grand voyage cyclo, discutons avec de jeunes "easy riders" qui traversent le pays en mobylettes comme ça se fait beaucoup chez les backpackers.

Par la même occasion nous rencontrons le tourisme de masse livré au libéralisme. Nous savions que les plages d'Asie en étaient chargées, maintenant, nous y sommes, et ce n'est pas enchanteur... La "ville préservée" d'Hoi An n'est en fait qu'une succession de boutiques de souvenirs d'où on décampe bien vite. Doucement, nous comprenons que nous avions profité sans le savoir de l'ambiance créé par Têt et que celle ci disparaît peu à peu. La circulation sur autoroute reprend son allure normale que nous ne connaissions pas. Une circulation très agressive et très portée sur le klaxon, pire qu'en Chine! Nous commençons à voir de plus en plus souvent lorsque nous subissons le "prix touriste". Les symptômes sont récurrents : trois secondes de réflexion avant d'annoncer le prix, un troisième doigt qui se lève une seconde après les deux premiers, des messes basses entre les vendeuses suivies de gloussements. On s'est aussi fait avoir en se faisant servir quelque chose que nous n'avions pas commandé : le plat le plus cher de la carte... Là-dessus, quelques incidents comme un enfant qui nous tire dessus avec sa fronde et puis un soir où nous étions allé profiter de la mer à peine quelques minutes (fort heureusement) en revenant vers nos vélos, un groupe de jeunes était déjà à leur recherche. Ils nous avaient vu entrer dans les dunes avec et partir vers la plage sans rien. Ils espéraient peut être profiter du temps d'une baignade... Nous avons eu de la chance! Tout cela mis bout à bout atteint notre bonne humeur et on ne profite plus autant que ce qu'on voudrait. Il faut agir vite : réunion d'urgence, cartes, GPS, calendrier, guide du pays, petits gâteaux (pour le réconfort!) et nous mettons sur pied un nouveau plan. Finis la mer et le tourisme de masse. Tant pis, nous ne verrons pas les coraux de Nha Trang, LA station balnéaire du Vietnam dont on nous a dit qu'elle ressemblait à Waikiki beach (ce qui nous parle peu) avec nombreux 'resorts' pour Russes fortunés... Sans remords, nous obliquons à nouveau vers les terres, les Highlands vietnamiennes. Nous préférons les montagnes aux klaxons, nous voulons une relation plus facile et sincère avec les gens. Nous quittons l'autoroute et, à peine 10km plus loin, les prix ont déjà baissé. Puis disparaissent (partiellement) les klaxons et reviennent les paysages. Enfin les sourires réapparaissent et, finalement, le bitume disparaît... Ah oui! C'est vrai, ça fait partie des joies d'être sur les petites routes. Parfois, nous passons des cols sur des routes de caillasse et nous poussons nos vélos, longtemps, très longtemps. Mais ce sont toujours des moments où les paysages se déchaînent, ou nous sommes presque seuls sur le chemin à l'exception des locaux qui vont au champ et sont ravis de nous croiser. Et de toutes façons, ce soir-là le spot de camping était magique : une petite zone herbeuse au milieu des rizières à côté d'une rivière chaude à souhait loin du bruit de la ville. Il est des endroits où nous serions bien restés camper plusieurs jours si nous avions eu assez de nourriture. Si ce n'est les feux de forêts alentours que la population démarre un peu partout. Pour brûler les détritus, nettoyer les champs, faire reculer la forêt... Toujours est-il que ça brûle un peu partout et c'est dingue!

Très vite, nous retrouvons le bitume et c'est là que nous devons prouver nos convictions : 1350m de dénivelé positif en 60km! Oui, nous préférons les montagnes! Nous croisons des villes plus agréables à vivre (plus pauvre certes), des routes bien plus plaisantes et toujours des marchés regorgeant de fruits et légumes. Nous mangeons aussi souvent dans des petites boutiques en bord de route. Le Viêtnam possède une diversité culinaire incroyable! On a beau essayer de commander la même chose, nous n'avons jamais exactement deux fois le même plat. Les ingrédients sont souvent les mêmes mais la façon de les préparer varie aussi énormément. Des soupes, des pâtes de riz sous toutes leurs formes, des nems, des galettes, des rouleaux de printemps qu'on roule nous-mêmes... Ça se transforme en voyage culinaire!

Ici un jus de canne à sucre, là un café glacé au lait concentré puis plus loin une pause "banh mi", ces sandwichs de pain avec des bouts de viande et toutes sortes de sauces qui nous régalent lors du "2nd ptit-dej". De toutes façons, il fait bien trop chaud pour tout faire d'un coup!

Avec cela, le temps passe et nous reprenons goût au Vietnam que nous avions presque penser quitter précipitamment. Les jours défilent et les distances achevées ne nous font pas tellement avancer sur la carte. Le pays est grand et, même si nous n'avions pas prévu d'aller jusqu'à Ho Chi Minh Ville (l'ancienne Saigon), on a encore de la route avant d'atteindre Dallat, le clou de notre itinéraire tant nous sommes fascinés par le découvreur de cette ville, Alexandre Yersin. En se penchant mieux sur cartes et gps, on voit que Dallat nous fait faire un crochet de 300km avant le Cambodge et que la route a l'air bien raide! Si seulement nous pouvions aller, vite, vraiment plus vite... Ça tombe bien, nous sommes restés sur une petite frustration il y a peu. Et, à l'approche de Buon Ma Thuot, nous décidons de nous rattraper : on va rallier Dallat à mobylette!

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